Dernière vague (La)
Beaucoup espèrent secrètement échapper aux affres du grand âge, le redoutant plus qu'ils n'y aspirent. Car la vieillesse a mauvaise presse. Elle a un air de haute mer qui fait craindre le naufrage plus qu'espérer l'heure de l'abordage. Niée, fuie ou honnie, elle est pressentie comme un état de pertes, d'abandon, voire de déchéance ou de réclusion.…
Beaucoup espèrent secrètement échapper aux affres du grand âge, le redoutant plus qu'ils n'y aspirent. Car la vieillesse a mauvaise presse. Elle a un air de haute mer qui fait craindre le naufrage plus qu'espérer l'heure de l'abordage. Niée, fuie ou honnie, elle est pressentie comme un état de pertes, d'abandon, voire de déchéance ou de réclusion. La dernière vague, contemplation au long cours du départ d'un être cher, offre un air tonique et vivifiant. Elle nous laisse entrevoir l'affleurement d'un autre possible.
Par petites touches, camaïeu de bleus, la fin de vie se révèle singulièrement dense et féconde : heure d'un précieux délestage, occasion d'un retour aux sources, temps lent de l'accroissement de l'être qui mène imperceptiblement vers l'embouchure. L'auteure a accompagné sa grand-mère au plus intime de sa navigation plusieurs années durant.
Abandonnant toute maîtrise, exerçant ses sens, accueillant ce rythme du temps qui prend son temps, elle a pu discerner, par-delà les heurts, l'immense splendeur, la vertigineuse beauté de la vieillesse. Le monde ébranlé chavire. Pas étonnant. Les vieillards, piliers du monde, ont soif. Ces mots prémonitoires résonnent avec une étrange acuité depuis que la crise sanitaire est passée par là, ayant interdit l'adieu à tant de proches et privé nos aînés de la présence qui apaise et humanise à l'heure de la mort. Ce récit leur est dédié.